Nous sommes tous Américains

Notre spécialiste

La Franco-Américaine Nicole Bacharan est historienne, politologue et spécialiste de la société américaine.

Quand Barack Obama débarque à Bruxelles, c'est toute l'Amérique qui vient avec lui. Et on ne parle pas des 900 personnes qui l'accompagnent, dont la moitié pour assurer sa sécurité. Il suffit que le président américain pose le pied sur le sol belge pour que se mette à souffler sur le pays un vent d'ouest qui embaume la gloire et le rêve. Le même qui a soulevé 2 millions de partages sur Twitter le 2 mars dernier, lorsqu'en pleine cérémonie des Oscars, Ellen De Generes, Bradley Cooper et une poignée de leurs célèbres amis se sont immortalisés, hilares, dans un selfie d'anthologie qui a battu le record des 800.000 retweets détenu jusque-là par le président américain et son message "Quatre ans de plus", le 6 novembre 2012, jour de sa réélection. C'est que Barack Obama, comme Julia Roberts ou Brad Pitt, incarne à merveille le glamour et la réussite si typiques de l'Amérique. Et un discours ou une photo suffisent à réveiller notre imaginaire. Aucun doute: l'Amérique fascine toujours.

Sur le papier, pourtant, les Etats-Unis n'ont plus vraiment de quoi faire rêver. Détrônés en janvier de cette année par la Chine comme première puissance commerciale dans le monde, ils peinent à se relever de la crise. En 2012, la "courbe de Gatsby le Magnifique", nommée d'après le fameux roman de Francis Scott Fitzgerald, indiquait que les inégalités des richesses et l'immobilisme social étaient nettement plus élevés outre-Atlantique que dans les pays d'Europe occidentale. Avec la récente annexion de la Crimée par la Russie, les Etats-Unis viennent par ailleurs de démontrer que leur arsenal militaire hallucinant est loin de leur garantir le leadership complet sur la scène géopolitique. Sans parler de leur réputation et de leur capital sympathie à travers le monde, qui ne sont pas au mieux de leur forme. Qui n'y verrait pas les premiers signes d'un empire en déclin?

Mais la réussite des Etats-Unis est à chercher ailleurs que dans ses banques ou son armée. Par exemple sur les plateformes de téléchargement, là où les productions US restent très largement plébiscitées. Aucun quota de musique locale imposé à la radio n'est parvenu à briser le mythe de l'industrie musicale américaine. Et de Daft Punk à C2C, même les grands talents français actuels chantent désormais en anglais. Côté séries télé, c'est pire. Les Etats-Unis, qui furent les créateurs du concept dans les années cinquante, en sont encore les principaux producteurs. Assis dans notre canapé, les yeux rivés sur le petit écran, nous mangeons dans la main de l'Amérique qui invente, innove et prospère.

Notre dossier complet dans le Moustique du 26 mars 2014