
Les Ardentes jour 3 : Stromae, un prince aux Ardentes

# 1 Stromae
En dix jours, Stromae aura donc joué devant 120.000 spectateurs en Belgique. Une semaine après avoir séduit les 88.000 music lovers de Rock Werchter et quatre jours avant son triomphe annoncé aux Francofolies de Spa, Paul Van Haver a sorti le tout grand jeu ce samedi soir dans un Parc Astrid entièrement acquis à sa cause. Si la setlist est pratiquement la même qu'à Werchter, le concert aux Ardentes gagne une demi-heure de plus pour passer à une heure et demi, ce qui permet à notre génie en herbe d'étaler sa science de la vanne et sa profonde Belgitude, ici pour défendre nos spécialités culinaires (Moules Frites, loin d'être sa meilleure chanson), là pour mettre en exergue la ferveur - il est vrai incomparable- du public liégeois.
Parfumée de beats électro eighties, mais aussi d'accents cap-verdiens (Avé Césaria) ou de sonorités funky, sa prestation reste un régal pour adeptes de la bonne humeur. A moins d'être dénué de toute sensibilité, on se prend une grosse claque quand un chœur collectif et intergénérationnel l'accompagne sur Alors on danse. On reste scotché devant ses mimiques et sa poésie conscientisée sur Tous les mêmes, chanson qui s'imposera plus vite qu'on ne le pense comme un hymne sur la tolérance tout en évitant le moindre écueil moralisateur. Sur Ta Fête, qui lui sert toujours d'ouverture et l'impeccable Papaoutai servi aux deux tiers de la messe, on ne voit pas un seul spectateur rester immobile. Formidable, tu l'as dit. Mais aussi fort touchant et bluffant d'intelligence comme le rappellent la chorégraphie et le jeu de lumière macabre (une affreuse bestiole qui referme ses pattes sur les musiciens et la scène) sur Quand c'est?, chanson évoquant cette sale merde de cancer.
On a dit et répété qu'il y avait du Brel, du Magritte et du Petit Reporter geek du XXIè siècle chez Stromae. C'est vrai. Mais il possède aussi le sens du show millimétré et top fun des stars blacks américaines, cette conception affinée de l'humour triste façon Buster Keaton et cette incroyable capacité -qu'on ne retrouve que chez les tous grands comme Mick Jagger ou Springsteen- pour aller chercher le dernier spectateur du dernier rang et le convaincre qu'il s'adresse personnellement à lui. Pour avoir été présent aux neuf éditions des Ardentes, on peut vous affirmer que Stromae a donné ce samedi le concert le plus marquant de toute l'histoire du festival liégeois. Chapeau (melon) bas Monsieur Paul Van Haver.
#2 Timber Timbre
Samedi, la fin d’après-midi est plutôt grise sous le ciel liégeois. Pourtant, en quelques minutes, le temps va basculer et s’illuminer sous l’effet des mélodies gracieuses de Timber Timbre. Projet passionnant né au fin fond des forêts canadiennes, Timber Timbre doit tout – ou presque – à l’âme torturée et à la voix sensuelle de son leader Taylor Kirk. Grand chauve en culotte blanche, le chanteur utilise sa guitare pour dompter l’électricité et sa langue pour communiquer avec les anges. Avec son timbre de crooner et ses trémolos lunaires, Taylor se révèle ici en digne héritier écorché de Roy Orbison. Véritablement habité par ses chansons, l’artiste s’attarde longuement sur les meilleurs moments de son troisième et dernier essai ("Hot Dreams") avant d’étaler toute sa classe sur les sommets de ses deux premiers albums ("Timber Timbre"et "Creep On Creepin’On"). Tendu, électrique, le concert délivre des échardes rock’n’roll aux charmes sombres. Au bout de l’effort, il n’y a que frissons et sensations fortes. Un des meilleurs moments du festival.
#3 + #4 (ex-aequo) MLCD et Mélanie de Biaso
Oui, nous sommes persuadés que le succès de Stromae profite à tous les artistes belges. La preuve avec MLCD et Mélanie de Biaso qui ont joué dans des salles (respectivement la HF6 et l'Aquarium) pleines. Aves des fans, bien sûr, mais aussi des curieux qui n'espéraient sans doute pas succomber à de tels charmes mélodiques avant le show de leur héros national. A Liège, MLCD est dans son jardin mais ne se laisse pas impressionner. Croisé avant le concert, Michael "Redboy" Larivière, chanteur du groupe, nous rappelle que MLCD a beaucoup travaillé le live pour cette tournée estivale qui passe aussi par les Francos. Et leur abnégation paye. Un gros son, des écrans verticaux diffusant juste ce qu'il faut de plans séquences crépusculaires pour nous faire rêver, et une musique tour à tour épique, aérienne, enivrante et profondément mélancolique qui est délivrée par des musiciens en pleine confiance. Pour ceux qui découvraient MLCD ce samedi, on rappelle que leur dernier album " The Smoke Behind The Sound" est sorti au mois de janvier et qu'il est tout simplement magnifique.
Quant à Mélanie de Biasio, on se dit que cette belle jeune femme passe décidément par les expériences live les plus extrêmes et s'en sort toujours en suscitant l'admiration. Voici une semaine, à Werchter, elle jouait avec son groupe dans une tente pleine à craquer... de supporters belges qui attendaient le match Belgique-Argentine. Plutôt que de chahuter, le public l'avait ovationnée. Aux Ardentes, c'est dans un Aquarium submergé d'un brouhaha insupportable qu'elle a posé sa voix soul, ses rythmiques jazz lancinantes, ses notes bleues et ses zestes plus enlevés de trip-hop pour convaincre ceux qui le voulaient bien. Mais son calme et sa volupté ont eu raison de l'indiscipline. Les yeux à demi-clos, enfermée dans sa petite bulle crépusculaire, ses mains dessinant des nuages imaginaires, Mélanie met tout son talent et son charme mystérieux pour imposer un univers auquel nous sommes rarement confrontés dans un festival pop/rock. Et si elle peut paraître exigeante de prime abord, sa prestation a surtout des vertus thérapeutiques. Allez, on va se remettre son album "No Deal" dans les oreilles ...
#5 Au revoir Simone
Sur son troisième album paru en 2009, Au Revoir Simone chantait "Take me as I am" ("Prends-moi comme je suis"). Et l'invitation tient toujours. Pour faire court, mais pour faire juste aussi, Au Revoir Simone, c'est trois jolies filles new-yorkaises en jupe qui font des déhanchements derrière des claviers en se partageant le micro. De leur enfance, elles ont gardé l'innocence, la naïveté et ce côté un peu jouette qu'elles insufflent dans leurs comptines. Et malgré le brouhaha désagréable qui règne dans l'Aquarium, ce concert donné à l'heure de l'apéro ce samedi a tout pour séduire ceux qui adorent rêver éveillés. Sur leur dernier album "Move In Spectrum" sorti l'automne dernier en même temps que leur collaboration amicale aux "Chansons de l'innocence retrouvée" d'Etienne Daho, Erika, Heather et Annie ajoutaient de la luminosité dans leurs mélodies dream pop. Ça tombe bien: avec des perles comme Somebody Who, Another Likely Story ou Shadows qui tutoient les anges, elles nous font oublier la grisaille du ciel des Ardentes et l'humidité qui s'attaque à nos petits pieds fatigués. Merci Simone, et au revoir...
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