Des tubes qui font écho, une image qui projette du souvenir: Jeanne Mas fut l'un des emblèmes du Top 50.
Au casting de Stars 80, avec Jean-Luc Lahaye, Caroline Loeb, Tenue de soirée, Desireless et tous les autres, elle déclare vouloir tourner la page. Ça serait pas un peu contradictoire?
Vous n'avez pas eu peur que le film soit un peu moqueur? Que l'on vous fasse passer pour une has been?
Jeanne Mas – Non. Il y a cette tournée qui dure depuis longtemps mais je n'en fais pas partie. Je n'ai pas envie de faire ça. Je ne peux pas chanter les années 80 toute ma vie. Je veux bien le faire une fois de temps en temps si je suis bien payée. Mais le côté compilation ambulante ne m'intéresse pas.
Mais il faut gagner sa croûte comme tout le monde…
J'ai des rentrées de droits d'auteur qui ne sont pas énormes mais qui me permettent de survivre. Les gens ont du mal à comprendre que je puisse faire des choix qui ne sont pas liés à l'argent mais davantage à un désir d'indépendance artistique. Si je participais à cette tournée, je devrais abandonner tout ce que je fais et qui me fait vibrer aujourd’hui.
Continuer d'écrire des albums qui me correspondent musicalement et dans lesquels je peux explorer de nouvelles choses. Poursuivre mon travail d'écriture de scénarios pour le cinéma qui me passionne.
Mais le succès des années 80 vous permet de rester célèbre…
Non, car je suis incognito aux Etats-Unis. Je ne révèle pas ma notoriété européenne. J'ai vécu à Los Angeles puis dans l’Arizona et là je viens de m'installer à New York. J’essaie d'exister à travers mon talent et pas à travers un nom. C'est précisément ce qui me rend heureuse.
Vous ne choisissez pas la voie la plus simple…
Je pourrais gagner plus d'argent. Et avoir un super appartement. Mais j'ai décidé que non, que je gagnerais normalement ma vie, que j'aurais un petit appartement mais que je resterais une artiste libre. Et que je ne ferais pas ce que je n'ai pas envie de faire.
Pourquoi avez-vous quitté la France?
Parce que j'étais malheureuse. Parce que j'essayais d'évoluer musicalement mais que c'était tout le temps non. Parce que j'amenais des idées et qu'on n'y croyait pas. Avec mes scénarios, je me suis souvent fait jeter parce que j'étais Jeanne Mas. Et un jour, quand on vous refuse tout et que tout ce que l'on vous demande, c'est de chanter
Toute première fois et
En rouge et noir, qui sont des chansons que j'adore d'ailleurs, eh bien vous en avez marre. Et vous allez voir ailleurs…
C'était très douloureux. Et je me suis dit:
"Merde, j'ai une vie et des envies". J’ai pris mes enfants, je suis partie aux Etats-Unis et on a tout repris à zéro.
Vous ne faites pas la tournée mais vous avez tout de même participé au grand spectacle au Stade de France. Pourquoi?
Au début, j'avais tout simplement refusé. Comme presque toujours. Mais ils ont continué de m'appeler et un jour, le producteur m'a dit:
"On sait que tu ne veux pas le faire mais il y a un sondage qui a été organisé et le public, c'est toi qu'il veut voir". Ça m'a fait réfléchir et j'y suis allée. J'ai bien fait parce que ça a été un moment exceptionnel. En fait, le public ne m'avait pas oubliée. Mais moi, j'avais oublié ce que j'avais pu représenter pour eux dans ces années-là. Quand on va vivre de l'autre côté de la planète et qu'on recommence une vie à zéro, on laisse tout derrière, on n'emmène rien avec soi. Je n'ai rien chez moi de cette époque. Pas un disque d'or, rien…
Vous avez voulu oublier cette période?
Ça a été très bien mais aussi très violent. Mais le truc est que je l'ai vécu. Point barre. Je ne vais pas passer ma vie à répéter des choses que j'ai déjà faites…
Si tout cela est derrière vous, pourquoi alors accepter ce film?
Parce que c'est pour moi une façon de dire définitivement au revoir aux années 80. Parce que là, je veux vraiment passer à autre chose.
Dossier complet dans le Moustique du 24 octobre.