
The Grandmaster

Esthète raffiné, Wong Kar-wai (In The Mood For Love) s’attaque à un genre dans lequel on ne l’attendait pas: le film d’arts martiaux.
Et première surprise, la greffe s’opère sans le moindre problème. Comme si le kung-fu, sport de combat délicat aux chorégraphies dansées avec la précision d’un métronome, avait attendu sagement plusieurs années qu’un artiste-cinéaste lui offre l’écrin de sa caméra-pinceau pour enfin déployer toute sa beauté et sa sensualité animale.
La première scène, d’une splendeur inouïe, fait inévitablement penser au début d’Il était une fois dans l’Ouest, dont Wong Kar-wai est un admirateur absolu.
Vêtu d’un long manteau noir surmonté d’un borsalino classieux, Ip Man défie silencieusement du regard une dizaine d’hommes aux visages patibulaires. Avant de s’élancer vers eux sous une pluie tombant comme de la cendre dans des ralentis et des accélérés magnifiques.
Dessinant des arabesques, les figures s’enchaînent, et les ennemis tombent. Pas de sang. Les corps abîmés n’intéressent pas le cinéaste, seule la beauté du geste compte. Jamais nous n’avons vu le kung-fu aussi bien filmé! Mais le cinéaste ne se fend pas uniquement d’un somptueux hommage à un sport. Prenant le cours d’un biopic détourné, il suit la véritable trajectoire d’Ip Man, futur maître de Bruce Lee qui connaîtra l'occupation japonaise et l'exil à Hong Kong.
Mais que serait un film de Wong Kar-wai sans une histoire d’amour impossible? Celle d’Ip Man et de Gong Er, fille de Baosen et unique détentrice du savoir des "64 mains", s’avère la plus belle sans doute de toute sa filmographie.
Fondée sur l’admiration réciproque et le respect, elle porte en elle ce que raconte depuis toujours le cinéma du réalisateur: que "demain" n’est pas possible sans "hier".
The Grandmaster
Réalisé par Wong Kar-wai. Avec Tony Leung Chiu Wai, Zhang Ziyi, Chang Chen - 122’.