

Historien et professeur à l'ULB, il est également membre du Centre communautaire laïc juif (CCLJ), dont il dirige la publication de la revue Regards.
Jeudi soir (31/7), une image de la guerre à Gaza a supplanté toutes les autres. Elle ne montre pas de sang, pas de corps mutilés. Seulement une émotion brute: devant les caméras de la chaîne qatarie Al Jazeera, en pleine interview, Christopher Gunness fond en larmes. Il dirige l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). La veille, il a assisté aux bombardements d'une école élémentaire par l'armée israélienne, où 16 personnes ont trouvé la mort, majoritairement des femmes et des enfants. Ils viendront alourdir le bilan d'un conflit qui a déjà fait plus de 1.400 morts côté palestinien. Des civils pour une immense majorité. Et parmi eux, plus de 200 enfants. Le lendemain, Israël et le Hamas annonçaient un accord à propos d'une trêve de 72 heures, à titre humanitaire.
L'indignation, déjà largement alimentée par les illustrations des souffrances civiles à Gaza, a évidemment redoublé après les images de cet officiel craquant en direct. Pour une majorité de l'opinion belge, l'émotion légitime de Christopher Gunness est devenue le symbole de l'inhumanité de cette guerre, voire de la monstruosité israélienne. Une majorité parmi laquelle, pourtant, ne se comptent pas les Juifs de Belgique. Pas parce qu'ils soutiennent unanimement l'action de Tsahal. Loin de là. "Qu'il s'agisse de cette guerre ou de tout autre sujet, vous savez, comme on dit chez nous: deux Juifs, trois opinions", nous a confié l'un d'eux. Non, si une quelconque unanimité se dégage au sein des communautés juives de Belgique, ce serait plutôt pour regretter le manque de nuances et de perspective, principalement dans les médias, dans la présentation des enjeux de ce conflit.
A ce sujet, nous avons laissé s'exprimer plusieurs opinions. Dont celle de Joël Kotek, un Juif belge se réclamant des modérés. "Pour me situer à vos lecteurs, disons que vous trouverez beaucoup plus à droite ou plus à gauche que moi" précise ce professeur de l'ULB dont la première précaution sera de nous dire: "Je ne dis pas qu'il faut être pro-israélien, je dis qu'il faut être mesuré". Parce qu'en la matière on n'est apparemment jamais trop prudent.
En tant que Juif, on vous imagine concerné, peut-être même bouleversé par les hostilités à Gaza. Votre quotidien a-t-il changé depuis le début du conflit?
Joël Kotek - Je suis surtout attristé et je vous expliquerai pourquoi. Mais permettez-moi d'abord de ne pas me plaindre. La rue belge ne crie pas "mort aux Juifs!" et on ne me traite pas encore de tueur d'enfant dans la file de mon supermarché. Ce qui est presque étonnant, d'ailleurs. Parce que si, comme beaucoup de Belges, ma connaissance du contexte israélo-palestinien dépendait uniquement de ce qu'en disaient la presse et la télévision belges, je crois que moi aussi je deviendrais farouchement antisioniste...
La suite de notre dossier dans le Moustique du 6 août 2014