[DOSSIER] Tous corrompus?

En Belgique, des flics, des magistrats, des icônes du sport, des grands patrons ou des politiques sont visés par des accusations terribles. Mais les sanctions ne tombent jamais. Les corrupteurs le savent. Et prolifèrent.

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"Ce que représente la corruption dans un pays comme la Belgique? Votre question me laisse sans voix. De toute ma carrière, je n’y ai jamais été confronté. Non, je ne vois pas en quoi je pourrais vous aider sur ce sujet…" Au sommet de la plus haute tour bruxelloise, Axel Haelterman paraît sincère. Agé de 53 ans, cet avocat spécialiste des matières fiscales, prof d’université et membre du respecté Conseil supérieur des Finances, est désarçonné. "J’en suis hébété", dira-t-il même. Son témoignage, parmi d’autres, illustre la difficulté des Belges à parler de ce mot qui fait pourtant partie du langage courant.

Pourtant, les médias nous en bassinent les oreilles régulièrement. Pensez par exemple à Didier Bellens, grand patron de Belgacom. Ce gestionnaire sûr de lui vient d’être renouvelé à son poste, après avoir martelé qu’il ne travaillerait pas à moins de 2.484.136 euros annuels. "Pas de raison que je renégocie une deuxième fois mon salaire à la baisse", avait-il déclaré fin août, attisant la polémique sur ces rémunérations des top managers gagnant plus que le Premier ministre. Oui oui, Didier Bellens, celui-là même qu'on inculpait pour corruption en juillet 2011!

Même la famille des Diables Rouges, si populaire, est touchée. Sur la pointe des crampons, notre troisième gardien de but a dû renoncer à la samba brésilienne. En appel, Jean-François Gillet s’est vu confirmer une suspension de trois ans et sept mois pour sa participation à un scandale italien de paris truqués. Ah, le foot! Un procès-fleuve vient de s’ouvrir à Bruxelles. Il s’agit du scandale de la saison  2004-2005. Des footballeurs réputés, des entraîneurs, des agents de joueurs, des dirigeants de clubs se sont laissé corrompre par un Chinois et sa bande. Le sport, tout comme le monde des affaires, est touché par ce mal insidieux. Ainsi, en mars 2012, Eddy Merckx a-t-il été inculpé pour corruption. Pour fourguer des vélos à la police, la société qui porte son nom aurait rajouté un petit cadeau dans le colis. L’icône de notre cyclisme, le grand Eddy…

La suite du dossier dans le Moustique du 2 octobre 2013

 

"Tu donneras bien un peu d’argent à ce bourgmestre…"

Témoignage anonyme d’un fin connaisseur des techniques de corruption.

Bien sûr, toute ressemblance avec des personnages ou des situations réelles ne pourrait être que fortuite...

Que retenez-vous de vos années de lutte contre la corruption?

Un moment précis me revient à l’esprit. Il s’agissait d’un dossier pour lequel il y avait des soupçons sérieux d’irrégularités. Pour en avoir le cœur net, nous avions mis sur écoute de petits mafieux. Après cinq minutes à peine, ceux-ci ont évoqué la possibilité de filer une somme d’argent à un bourgmestre, en échange d’un petit coup de pouce pour obtenir un permis. C’était dit très clairement. Comme si c’était habituel et évident. Cela m’a sidéré…

La corruption est répandue, en Belgique?

Pas plus qu’ailleurs en Europe occidentale. J’entends la même chose auprès de collègues français ou allemands. Et je ne parle pas des Italiens, car ça fait toujours sourire… La corruption liée aux grands marchés publics, à un haut niveau, donc, découle du manque de financement des partis politiques. Pour convaincre l’électeur, ils doivent gagner la bataille de la communication. On ne sort plus vainqueur d’une élection sur des valeurs ou des idées. Il faut être meilleur en com. Et cela nécessite toujours plus d’argent.

Quelles sont les formes de corruption les plus fréquentes?

Les marchés publics truqués et le sponsoring sportif. Je vais vous donner un exemple. Les hommes politiques ont tout intérêt à se faire bien voir par les clubs sportifs, parce qu’à travers eux, ils peuvent ainsi mener une sorte de campagne permanente. Dans le cas que j’ai connu, les dirigeants politiques obligeaient une série d’entrepreneurs à sponsoriser des clubs sportifs et en rétribution de ça, ils s’arrangeaient pour que les entrepreneurs en question - via vraisemblablement des trafics d’influence - obtiennent des marchés publics. Il n’y avait plus aucune concurrence. Les autres entrepreneurs avaient tellement bien compris les règles du jeu qu’ils ne présentaient plus aucune offre. Et que voyait-on? Que les prix pratiqués réintégraient le coût du sponsoring!

La suite du dossier dans le Moustique du 2 octobre 2013

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