Compétition : Xavier Dolan éblouit Cannes avec Mommy. Future Palme d’or ?

Excessif, virtuose, magique. C’est le film qu’on attendait. Cinq ans après J’ai tué ma mère qui le révélait à la Quinzaine des réalisateurs, le cinéaste prodige fait une entrée éblouissante en Compétition.

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A 25 ans, le réalisateur québécois vient de frapper fort, très fort. Tout d’abord parce qu’il renoue avec la thématique de relation mère-fils toxique, excessive et essentielle qui avait tant marqué son premier film. Aussi parce que les exercices de style clippesques et les tics de réalisation (trop de musique, trop de ralentis, trop d’effets) qu’on a pu lui reprocher (en particulier avec Les Amours imaginaires, moins avec Laurence Anyways) sont ici transcendés par la passion que Dolan a de filmer, de raconter, et de nous emporter.

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Mommy se passe dans un Canada hypothétique, où une loi (la loi S14) permet aux parents d’enfants ayant des troubles du comportement de les confier à des institutions et d’en déléguer la responsabilité.  C’est donc l’histoire de Steve, un adolescent incontrôlable rejeté de toutes les institutions, qui vit seul avec sa mère, Diane. A bout de ressources alors que Steve est accusé d’avoir déclenché un incendie, Diane va demander à sa voisine Kyla, une « desperate housewife » déprimée en proie aux bégaiements, de donner des cours à Steve. A eux trois, ils vont goûter au bonheur, jusqu’à ce que la vie les rattrape. Histoire d’amour transgressive à trois, que Dolan magnifie comme il sait faire, en réinventant sans cesse ses propres images (sur des musiques de Céline Dion, d’Oasis ou Lana del Rey). Et en n’ayant pas peur d’aller au bout de son histoire, qui convoque l’amour, l’inceste, la tristesse, la liberté. Steve veut sa mère ou bien Kyla, mais personne d’autre. Il n’a qu’une trouille, c’est que sa mère ne l’aime plus. Il voudrait être son fils, son pote, son homme, son tout. Mais Diane (surnommée D.I.E), elle voit tout ce que Steve n’est pas (magnifique scène de rêve, brisé sur la réalité). Malgré tout l’amour maternel, Steve lui gâche la vie. Un temps aidée par Kyla, Diane navigue entre espoir et détresse, et cherche une issue à sa vie de galère. A travers un hypothétique mec que Steve aura vite fait de dégommer.

Ce film est une boule d’émotion pure qui explose dans tous les sens. Génie de la mise en scène et du style, Dolan sublime ses acteurs, les habille, les maquille, les aime, les offre au regard du spectateur dans un cadre qu’il ne cesse de transformer, d’agrandir, au gré des émotions des acteurs (magnifique plan de libération où Steve écarte le cadre de l’écran, et qui a suscité en projection officielle des applaudissements déchaînés). Dolan retrouve trois acteurs qu’il connaît bien, et qui lui donnent tout. Magnifiques Anne Dorval et Suzanne Clément, bouleversant Antoine-Olivier Pilon (qui tenait le rôle principal du clip controversé d’Indochine réalisé par Dolan, College Boy), ils méritent tous un prix d’interprétation.

« A l’époque de J’ai tué ma mère, je pense que je voulais tuer ma mère. Cinq ans on passé depuis, mais je crois bien qu’aujourd’hui, à travers Mommy, j’essaye de la venger » a confié Xavier Dolan. Plus qu’une vengeance, Mommy est un hommage éblouissant à la condition maternelle, à ses joies comme ses détresses.

Extrait de Mommy

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