
Bien vieillir, ça se prépare!

Retraités : "L'impression d'être devenus invisibles"
Danièle Laufer vient de publier L'année du phénix. La première année de la retraite (Les Liens qui Libèrent, 2013). Elle nous parle de ce cap souvent mal préparé et pas toujours facile à vivre.
C'est le paradoxe de la retraite: on l'attend longtemps, pourtant on ne la vit pas toujours bien. Heureusement, nous apprend Danièle Laufer, "tout le monde ne sombre pas dans la dépression. Bien qu'on retrouve souvent une difficulté face à ce changement de vie radical: rythme, habitudes, contacts". Après 40 ans au travail, ça peut être un vrai choc. L'auteur de L'année du Phénix compare ça avec la crise d'adolescence: les ados ont envie de partir de chez eux, de devenir indépendants, libres… Et en même temps, ils ont peur parce qu'il fait bien chaud chez papa-maman. Les retraités, c'est pareil. "En plus, le statut de retraité n'est pas très confortable dans notre société. Ils sont parfois perçus comme des privilégiés, notamment par les jeunes qui, eux, s'imaginent qu'ils n'auront pas de retraite."
Sans parler des gens qui souffrent de cet arrêt du travail…
DANIELE LAUFER - Le jour où vous arrêtez de travailler, vous perdez une partie de votre identité. Beaucoup de jeunes retraités ont l'impression d'être devenus complètement invisibles: "Je recevais 300 mails par jours, je n'en reçois plus que dix et encore, c'est souvent de la pub". Ce sentiment d'inutilité sociale est assez violent, surtout pour une génération qui a beaucoup investi dans son boulot, qui a vraiment cru à l'épanouissement par le travail. Je ne suis pas sûre que les retraités de la génération "Y" auront la même attitude.
Une des premières difficultés à laquelle on pense, c'est de se retrouver pour la première fois en couple, 24 heures sur 24…
D.L. - Ce n'est pas toujours simple. C'est un réaménagement de la vie à deux, comme après avoir eu un enfant ou quand un des deux est au chômage. Certains chiffres indiquent une augmentation du nombre de divorces autour de 60 ans, sans qu'on sache si c'est lié à la retraite. Mais parmi ceux que j'ai rencontrés, aucun n'a divorcé: les gens qui sont ensemble depuis 30 ans ont déjà traversé pas mal de crises.
La retraite, c'est le début d'une nouvelle vie. Mais c'est aussi le dernier morceau de vie avant la mort…
D.L. - Mes témoins n'en ont pas parlé spontanément. Les gens qui se retrouvent à la retraite ont peur d'être identifiés à des vieux. Ils n'ont pas envie d'être mis à l'écart, de ne plus participer à la marche du monde, qu'on n'écoute pas ce qu'ils ont à dire. On m'avait beaucoup parlé d'une dégradation subite de l'état de santé au moment de la retraite: un cancer, un AVC… Je n'ai rien trouvé qui le confirme. Au contraire! Dans une étude de 2009, des chercheurs de l'Inserm ont montré que la santé perçue par les gens se dégrade progressivement avant la retraite avant de s'améliorer après. En moyenne, les sujets retrouvent après le départ à la retraite l'état de santé qu'ils déclaraient 8 à 10 ans plus tôt!
Y a-t-il des "trucs" pour mieux se préparer à la retraite?
D.L. - J'ai constaté que les gens, comme les profs, qui ont eu l'habitude d'avoir du temps libre et d'aménager leur temps s'en sortent un peu mieux que les autres. Ceux qui sont très intéressés par la culture aussi. Ou ceux qui ont des petits-enfants, parce que ça leur donne le sentiment de servir à quelque chose. Les entreprises ne préparent pas la retraite: elles se foutent de ce qui arrive après le "pot de départ". En France, certaines caisses de retraite proposent des préparations, mais les gens ne réalisent pas toujours que ça peut être utile. Ce qui serait bien, c'est qu'un accompagnement soit disponible après la fin du travail. On pourrait proposer un "bilan de retraite", comme on fait des bilans de compétences, pour aider les gens à mener cette "nouvelle vie", à retrouver des activités…