
5 obstacles majeurs quand on ne sait ni lire ni écrire

Imaginez ce que serait votre vie si vous étiez incapable de lire une phrase, un mot, une syllabe. Si vous ne sauriez que faire d’un stylo glissé dans votre main. En 2013 et en pleine période de rentrée scolaire, on peine à croire qu’un Belge sur dix est analphabète ou illettré. Et pourtant! Un million de personnes souffrent chaque jour de se sentir inadaptées dans un monde où tout est informatisé, automatisé, codé.
Dans le cadre de la journée internationale de l’alphabétisation, le 8 septembre, nous avons rencontré trois analphabètes. Christine, Josiane et Guy ont tous la cinquantaine et fréquentent depuis quelques années l’ASBL Lire et Ecrire qui les guide dans leur apprentissage de la lecture et de l’écriture.
Ils sont Belges et ont tous, un jour, fréquenté les bancs de l’école. Que s’est-il passé pour qu’ils soient aujourd’hui incapables de communiquer par écrit avec le reste du monde? Tous les trois ont accepté de nous expliquer, avec des cas très concrets, comment leur analphabétisme s’est installé et pourquoi il représente un frein pour leur vie professionnelle, sociale et affective.
Au fond de la classe
Christine, Josiane et Guy ont tous fréquenté l’enseignement spécialisé. Orpheline, Christine est restée sur les bancs de l’école jusqu’à ses 21 ans. En quittant l’établissement scolaire, elle était incapable d’écrire une phrase.
Un job? Mais lequel?
Comment décrocher un job quand on ne sait ni lire, ni écrire? On n’en décroche pas, tout simplement. Encore moins d’ailleurs quand on a des enfants.
Horaires et autres misères
Prendre le bus, le train, lire le nom des rues: embourbés dans notre quotidien, nous ne nous rendons plus compte que tous ces gestes anodins nécessitent l’usage de la lecture. Josiane, Christiane et Guy, si!
"Mais remplissez la fiche!"
Rois de la débrouille, les analphabètes savent quels sont les endroits ou les formalités à éviter. La plupart du temps, ils parviennent à se faire aider. Mais lorsque leurs guides font défaut, c’est la galère. Contrats de bail, consignes aux distributeurs de banque,...
"Un jour, j’ai dû aller à la poste sans ma mère qui, elle, sait écrire", se souvient Josiane. "L’employée m’a demandé de remplir une fiche. Je lui ai dit qu’il fallait qu’elle m’aide. Elle a rétorqué que ce n’était pas son boulot. Je me suis mise à l’écart pour essayer d’écrire, malgré tout. Comme je n’y arrivais pas, mes mains se sont mises à trembler et j’ai pleuré. Jusqu’à ce qu’une cliente vienne m’aider."
Foutu langage SMS
"Si je sais envoyer un SMS?", répète Josiane lorsque nous la questionnons sur sa maîtrise de la technologie. Un blanc s’installe… avant que Christine ne vienne à son secours. "Mais si, tu sais écrire avec le téléphone." Si l’outil leur semble si peu familier à tous les trois, c’est qu’ils ne l’utilisent que depuis très peu de temps. Christine semble prendre un plaisir tout particulier à tapoter sur les touches pour communiquer avec les lettrés. "Mais j’ai quand même du mal avec le langage abrégé des SMS. Parfois, je dois rappeler la personne en lui demandant ce qu’elle a voulu dire."
Et les réseaux sociaux, ça leur évoque quoi? Etonnamment, nos trois compères sont tous sur Facebook! Guy n’est d’ailleurs pas peu fier de posséder deux ordinateurs pour chatter et causer avec son frère par webcam. Quant à Josiane, elle aime se prêter au jeu et poster ses humeurs mais après avoir demandé à son conjoint "si c’est bien omme ça que ça s’écrit".
Les devoirs d’une mère
S’ils sont parvenus à se construire une carapace contre les moqueries de leur entourage, ni Josiane, ni Christine, ni Guy n’ont échappé au jugement de leurs enfants. A notre grand étonnement, ce dernier confie d’ailleurs que ses trois filles n’ont appris son analphabétisme qu’il y a quelques années.